Index
Remerciements
Introduction
Partie 1 - L'invention de nouveaux mots.
Partie 2 - Les mécanismes d'acceptation des mots.
Partie 3 - Une nouvelle tour de Babel
Annexe A - Origine du préfixe « cyber »
Annexe B - L'exemple du courrier électronique
Annexe C - Les smileys et les noms de domaine
Annexe D - Origine étymologique du terme arobase
Annexe E - Sources officielles
Glossaire
Bibliographie
Bibliographie annexe

L'invention de nouveaux mots

Télécommunications: J'ai dû ajouter un mot nouveau à un glossaire déjà trop riche au gré de nombreux électriciens, j'espère qu'on voudra bien me le pardonner. Les mots naissent dans les sciences neuves, comme les plantes au printemps. Il faut s'y résigner, et il n'y a que demi-mal, puisque l'été qui doit suivre se chargera d'élaguer les mauvaises pousses.

Édouard Estaunié, Traité pratique de télécommunication électrique, 1904.
 

Nous visons dans cette partie à expliquer d'une part pourquoi un nouveau lexique se forme, d'autre part quels sont les mécanismes linguistiques à l'œuvre.
 
 
  1. La nécessité d'un nouveau lexique


  2. Le changement linguistique est un résultat de l'interaction verbale pour répondre à des besoins précis. Le fait de nommer est un acte de création. On peut voir essentiellement trois raisons principales au fait que la langue française voit une floraison de nouveaux mots liés à Internet. La première est la nécessité d'exprimer des concepts de façon succincte. Cet objectif est souvent respecté : en effet pour de nombreuses raisons, on se refuse à employer des périphrases. Le style reste souvent peu soigné : un courrier électronique par exemple a quelques conventions, mais moins formalisées a priori qu'une lettre écrite. La seconde raison majeure est la nécessité d'exprimer les nouveaux concepts propres à un groupe humain (ici les utilisateurs d'Internet). Ces mots doivent décrire des concepts de façon succincte et précise. Un utilisateur d'Internet consacrera beaucoup de temps à découvrir des concepts, et il pensera commencer à les connaître à partir du moment où il connaîtra le mot correspondant. La dernière motivation est la volonté de marquer son appartenance au groupe de ceux qui savent utiliser Internet, et d'impressionner ceux qui ne connaissent pas ces termes ou ces concepts. Les concepts et les termes en effet vont de pair ici, notamment lorsqu'on se refuse à employer des périphrases. Cela va jusqu'au snobisme, au jargonnage et peut-être à l'hypercorrection (attitude qui consiste à substituer à une forme supposée à tort correcte une forme supposée plus correcte).

    Ces trois points sont valables pour tous les acteurs qui participent à la création des mots. Les innovations peuvent avoir ou non un caractère éphémère. En fait, de nombreux mots viennent de l'anglais ou empruntent une façon de le créer typiquement anglo-saxonne : on crée beaucoup de mots et certains seulement s'imposeront. Le sens n'est même pas nécessairement précis dans certains cas assez rares ; dans d'autres cas, le mot avait un sens précis lors de sa création mais a changé de sens ou acquis un sens moins précis, car il est utilisé par un groupe différent ou plus important de personne. Chaque nouveau concept apparaît d'ailleurs historiquement (à quelques exceptions près) avec un terme anglais. Ceci ne veut pas dire que tout est d'origine américaine : le Web par exemple est apparu au CERN (Centre européen de recherche nucléaire), en Suisse [11][12][13][16].

    Cette arrivée de termes anglais a donné lieu à de nombreuses réactions[3]. Comme toujours dans la francophonie, l'utilisation de l'anglais a des connotations culturelles et sociales très fortes. Il est désormais possible, avec un peu de bonne volonté, d'avoir à propos d'Internet, un français non parsemé d'une moitié de termes anglais : les Canadiens francophones notamment ont réagi plus vite, créé un vocabulaire francophone car ils sont plus sensibles à cette nouvelle culture (baptisée « cyberculture ») et à la présence de l'anglais. D'autre part, en France, des arrêtés ont été signés ou sont en passe de l'être ; des commissions se sont penchées sur la question ; des bénévoles y ont réfléchi, ont cherché à trouver des traductions à ces mots ou même traduits entièrement des documents et des logiciels. Signalons aussi bien sûr l'effort des Belges, des Suisses et de la communauté francophone en général.
     
     

  3. Mécanismes linguistiques

Ici, nous allons donc décrire quelques mécanismes fertiles en création de mots. Chaque mécanisme est décrit par des exemples.
      1. Les traductions littérales (calques)

Une traduction calque sera réussie quand les francophones l'utiliseront spontanément, même (ou parfois surtout) s'ils jonglent avec cette traduction et le terme original. De manière générale, quand une traduction littérale est possible, elle s'impose facilement, sans doute parce que c'est le moyen de création le plus aisé. Fort heureusement ce n'est pas le seul, sinon la langue s'appauvrirait. Nous ne traiterons pas dans cette section des emprunts-calembours.

Une traduction littérale s'impose facilement quand elle remplit plusieurs des critères suivants :

Certaines traductions coexistent avec le terme anglo-saxon. Analysons le cas de « fournisseur d'accès à l'Internet » (traduction littéraled'« Internet provider »). Plusieurs remarques sont extrêmement intéressantes : Derrière tout cela, il y a une raison historique bien sûre, le premier terme apparu étant « provider ». Les autres termes se sont popularisés ensuite. Il y a aussi une dimension sociale et une pratique, employer l'un des termes possibles et pas un autre aura une connotation.
 
 
      1. Liste de traductions calques s'imposant


      2. On nous pardonnera aisément d'avoir mis ici un tableau forcément restrictif. Certains termes sont apparus d'ailleurs antérieurement avec le développement de l'informatique ; nous les citons volontairement ici car ils connaissent un regain de popularité. Notez que la plupart des termes sont non seulement des traductions calques mais sont très proches du terme anglais phonétiquement et étymologiquement. Le terme anglais est souvent connu des francophones connaissant l'anglais (un bon contre-exemple est « ciphering »).
          connect, connection
        Terme français terme anglais (avec commentaire éventuel)
        arborescence arborescence
        administrateur système, ingénieur système system engineer (notez l'ambiguïté : un ingénieur anglo-saxon est un technicien très qualifié, pas un cadre ; la connotation sociale et culturelle change du tout au tout entre les deux langues, et pourtant c'est une traduction calque).
        adresse  address
        anonyme  anonymous
        autoroutes de l'information information superhighways (le terme inforoutes plus concis n'a pas été retenu car il a été jugé évoquant trop les vraies routes).
        balises  anchors
        bande passante bandwidth
        boîte aux lettres mailbox
        carnet d'adresse  addressbook
        charte charter 
        chemin path
        chiffrement ciphering
        citation, citer  quotation, quote
        commutation de paquets packet switching
        connecter, connexion
        courrier électronique electronic mail
        crypter crypt
        disque dur hard disk
        en-têtes  headers
        guerre de religion religious war (au sens de débat sempiternel et houleux. Le terme flamewar qui en est assez proche, lui, n'a pas de traduction calque)
        hiérarchie hierarchy
        hôte host
        index index
        lien  link
        liste de diffusion  diffusion list
        liste de messagerie  mailing list (ce terme et le précédent sont parfois confondus)
        monnaie électronique  electronic money
        mot de passe password
        moteur de recherche  search engine
        navigateur navigator
        nom de domaine domain name
        page d'accueil  homepage
        passerelle  gateway
        pirate pirat
        portail portal
        prestataire, fournisseur d'accès à l'Internet (FAI) Internet provider 
        pseudonyme  pseudonym
        raccourci clavier  keyboard shortcut
        réseau  network
        s'abonner/s'incrire  subscribe
        sauvegarde  backup
        signature  signature 
        souris mouse
        sous-réseau sub-network
        téléchargement  download
        traitement de texte word processing
        transfert de fichiers file transfer

         

      3. Traductions littérales ne s'imposant pas

Il existe parfois des traductions littérales utilisées de temps à autre, mais qui ne s'imposent pas. Nous n'en trouvons que peu : en effet, pour nous parvenir, il faut qu'elles aient déjà été utilisées au moins un peu, mais sans succès. Traduire littéralement étant le procédé le plus simple, il semblerait que l'échec d'une traduction littérale doive avoir des raisons sérieuses. Notamment, la métaphore introduite peut être modifiée. Par exemple, « kiosque » ne s'impose pas pour désigner une borne interactive (« kiosk »). Il est déjà utilisé par le Minitel.

« Localisateur » employé à la place d'URL (adresse Web) est inutilisé en mai 1999, d'ailleurs vous n'en avez sans doute jamais entendu parler.

Le mot « torpille » correspondant à « flame » (qui correspond à la métaphore de descendre quelqu'un en flammes, littéralement), a du mal à s'imposer, sans doute parce que l'analogie n'est pas la même.

Pour « browser », aucune traduction littérale proche de ce terme anglais (venant de « to browse », feuilleter un livre) ne s'impose. En effet, de nombreux obstacles s'y opposent : tout d'abord la traduction « butineur » ne renvoie pas à la même métaphore et ne fait pas sens dans un registre sémantique, et on aura plus tendance à utiliser la marque du logiciel le plus connu (un temps lynx ou Mosaic, mais surtout Netscape Navigator, voire Microsoft Internet Explorer). De plus, la marque Navigator est proche du français et apporte une belle métaphore et des dérivés : « naviguer », « navigateur », « navigation ».

L'autre exemple aussi fameux est « mail » (ou encore « e-mail », « email »). Les diverses traductions proposées sont « message électronique », « courrier électronique », « courriel ». On peut aussi parler du mot « firewall ». Ce terme désigne un dispositif de sécurité protégeant un sous-réseau des attaques extérieures. Le « firewall » est, à l'origine, une protection située dans les voitures entre les passagers et le moteur. C'est déjà un terme très technique. Il a les traductions suivantes :

La traduction littérale (« mur de feu ») est parfois utilisé oralement par ceux qui ne connaissent pas le sens du mot et cherchent à le deviner en traduisant littéralement. Elle n'est pas utilisée réellement car elle ne donne aucune indication sur le sens.

En pratique, tous les francophones parlant de ce concept utiliseront le terme « firewall » pour être aisément compris de leurs pairs, qui connaissent le terme anglais mais pas forcément les traductions françaises. Ou alors ils tenteront une traduction mais mettront entre parenthèses le terme anglais[11]. L'adoption d'une traduction n'est pas facilitée par l'existence de plusieurs termes dont aucun ne s'impose vraiment à l'usage.

Dernier exemple : « newsgroups » a plusieurs traductions : « forum de discussion », « conférence », « groupe de discussions », « nouvelle ». Le terme anglais en lui-même est ambigu : c'est un exemple typique de démotivation, c'est-à-dire de pertes par les locuteurs du lien entre la forme et le sens du terme dérivé ou de l'expression. En effet, les « news » ont d'abord été créés fin 1979 par deux universitaires pour échanger de nouvelles informations techniques très pointues sur le système d'exploitation Unix. Elles ont été ensuite utilisées pour des discussions à caractère général, pouvant porter sur n'importe quel sujet[12][17]. Trouver un mot en français devient donc un vrai casse-tête; chaque candidat ayant ses défauts et aucune traduction, calque ou pas, ne s'imposant (« conférence » est un très mauvais choix car il suggère un individu faisant un exposé à plusieurs autres, alors que les « newsgroups » mettent à égalité dans la discussion tous les individus ; « groupes de discussion » n'est pas si mal, mais loin du terme anglais et pas succinct ; « forum » est succinct, mais peu expressif, et l'analogie avec le forum romain fonctionne de façon approximative. Enfin, la périphrase: « courrier électronique public » reste inutilisé à part dans quelques documents de référence[17].
 
 

  1. Mots appartenant aux deux langues


  2. De nombreux mots appartiennent au « stock » lexical des deux langues. Toutefois, leur sens est profondément différent, même si la racine étymologique est la même. Certains termes étaient désuets et ont une renaissance. Le terme français se pare donc d'un nouveau sens surprenant (faux amis), ou voit son sens restreint, tout en gardant la même forme. Souvent, un technicien se dépêchera d'expliquer au néophyte la confusion que risque d'apporter le faux ami : on voit dans ce cas que les mots ont toute une dimension sociale et qu'une communauté ayant utilisé un mot ne voudra pas le voir utiliser dans un sens ou moins précis par d'autres personnes. Nous reconnaissons qu'il est parfois difficile de différencier cette catégorie de celle des traductions littérales. Nous livrons néanmoins quelques exemples. Certains ne paraîtront pas objectifs car le terme anglais aura connu l'ajout d'un nouveau sens (exemple : » architecture ») et l'aura transmis à son cousin français.
     
      facility
    Français anglais Commentaire:
    architecture architecture
    attachement, attacher attachment, attach le nouveau sens français est très différent du sens original. Un superbe faux-ami, en effet un « attachment » est une pièce jointe dans un courrier.
    avatar  avatar (personnage virtuel)
    article article (message dans un forum de discussion)
    banque (de données) bank
    base base
    cache cache
    client client peu utilisé en anglais (customer est plus courant).
    digital digital originellement en français: relatif aux doigts. Il faudrait mieux utiliser « numérique »
    disquette diskette sens original en français
    domaine domain sens ajouté en anglais puis en français
    électronique electronic sens ajouté en anglais puis en français
    émuler emulate originellement en français: faire aussi bien, imiter. Sens ajouté : imiter le fonctionnement d'un autre ordinateur de conception différente.
    en ligne on line
    facilité en anglais: installations, mécanisme
    filtre filter
    hors ligne offline Déconnecté
    icône icon Originellement: image sacrée
    interface interface En anglais: intermédiaire
    ligne dédiée dedicated line
    liste list sens ajouté en anglais puis en français
    maintenance maintaining
    maintenir maintain sens ajouté: la maintenance consiste non pas à entretenir passivement, mais à faire évoluer.
    modérer moderate
    numérique numeric originellement en français: lié aux nombres; signifie désormais: 1- opposé à analogique, 2- relatif à l'utilisation de matériel électronique et informatique.
    orienté oriented
    paquet packet sens ajouté en anglais puis en français
    pointeur pointer
    port port sens ajouté en anglais puis en français
    portable portable
    processeur processor sens ajouté en anglais puis en français
    protocole protocol
    robot, bot robot, bot
    serveur server sens ajouté en anglais puis en français
    signature signature quelques lignes en bas d'un message pour préciser son identité
    signature  signature chiffrement et authentification (plus proche de l'idée de la signature manuscrite qui n'est jamais qu'un moyen d'authentification).
    site site
    site miroir mirror site
    standard standard prend en français une connotation de norme.
    sujet subject en fait, on devrait plutôt dire objet d'un message.
    système expert expert system
    temps réel real-time Nombreux sens : voire glossaire.
    virtuel virtual

     

  3. >les néologismes

Après avoir vu ces catégories de mots qui se bornent à ressembler à l'anglais, nous pouvons aborder des termes où la créativité s'exerce a priori plus : les néologismes. Rappelons tout d'abord la définition : un néologisme est un mot créé par un locuteur en combinant les morphèmes disponibles dans la langue. Ce peut être une création spontanée ou au contraire l'œuvre d'une commission de terminologie. Un morphème est la plus petite unité de sens existante dans la langue.
  1. Mots-valises et assimilés


  2. Les néologismes sont assez souvent des mots-valises, c'est-à-dire une concaténation de morphèmes. Citons tout d'abord ceux qui sont tout à fait originaux, ne venant même pas de la reproduction d'un mot-valise anglais : « logiciel » (« software »), « progiciel », » graticiel », « partagiciel », « internaute », « micro-ordinateur », « courriel », « bureautique », « télématique », « cybercafé », « télé-informatique ». D'autres, assez nombreux, reproduisent un mot-valise déjà existant en anglais. Ils peuvent être néanmoins éloignés étymologiquement des morphèmes anglais, tout en restant des traductions calques comme « manette de jeu » (« joystick ») ou bien « téléchargement » (« download »).

    Ils peuvent au contraire être des néologismes formés par des phonèmes de même étymologie comme « émoticône » (« emoticon »), « cyberespace » (« cyberspace ») ou bien « hypertexte » (« hypertext »). On peut avoir un phonème directement issu de l'anglais comme » nétiquette » (« netiquette »). Notons que ce dernier mot élargit le sens d'« étiquette », qui désignait les règles de comportement à la Cour en français, et qui a un sens en anglais moins restreint. On notera aussi l'utilisation des suffixes -iel et -ique, et l'ajout de cyber- de manière parfois surprenante : « cyberculture », « cyberpunk », « cyberespace » ...
     
     

  3. Néologismes argotiques

Il est courant chez les utilisateurs d'Internet (et les utilisateurs d'ordinateurs) de supposer que les ordinateurs sont des homoncules s'échangeant des messages, dialoguant entre eux de façon parfois mystérieuses et pouvant être particulièrement stupides et bornés. Il y a donc des néologismes basés sur des métaphores anthropomorphiques, souvent déjà existantes en anglais : « renifleur », « sniffeur », « virus », « cheval de Troie », « chien de garde » (« antivirus »), « gourmand « (pour un programme). D'autres sont des plaisanteries. On y reconnaîtra l'empreinte des initiés se moquant d'un non-initié, le président de la République française, et à travers lui toute une génération et une communauté au pouvoir montrée du doigt car peu adaptée aux nouvelles technologies : « mulot » (pour une souris),  « biscotte » (pour une disquette), « grille-pain » (pour un lecteur de disquettes), « hamster » (pour une souris à infrarouge).

Les analogies, métaphores et reprises de mots en leur ajoutant un sens sont nombreuses :

L'exemple des mots « courrier », « message » et de tout le vocabulaire associé, commun au courrier postal et au courrier électronique est très explicite. Notons que le terme « courrier électronique » a tendance à subir une démotivation : à l'origine, les « mails » arrivaient parfois dans un délai de 1 à 5 jours ; aujourd'hui, les utilisateurs réclameront un délai de quelques minutes, ceci pour toute la planète ; de plus, certains professionnels auront tendance à regarder leur courrier à intervalles très courts (quelques minutes) et non pas une fois par jour. Enfin, on peut recevoir du courrier qui ne vous est pas adressé personnellement mais en tant que membre d'un groupe. L'utilisation du courrier électronique, dont le fonctionnement est différent de tout le reste, est très perturbante pour de nombreux employés. La métaphore est désormais brisée car on ne « relève » plus son courrier une à deux fois par jours. On peut aussi souligner qu'une remotivation a également lieu car le courrier électronique arrivant à intervalles irréguliers fait penser à des phénomènes disparus : le « pneumatique », ou bien l'existence de plusieurs délivrances du courrier dans la même journée : il était courant dans la société bourgeoise parisienne de se donner rendez-vous pour le soir en s'envoyant un courrier le matin, et d'avoir une réponse dans la même journée pour confirmer le rendez-vous.

Les termes issus de la mécanique sont courants : « bécane », « bidouiller », « cannibaliser », « purger » ou « nettoyer » son disque. D'autres termes viennent de domaines techniques, par exemple du traitement du signal : « bruit » (message sans intérêt), « signal » (message intéressant), ou de la vidéo : « lurker » (personne qui lit les listes de diffusion ou les forums sans jamais participer ; originellement terme péjoratif désignant une personne participant à une vidéoconférence sans allumer sa caméra).

On y reconnaîtra également des clins d'œil : « SEX » (Software EXchange, échange de logiciels), qui est une opération à faire avec des partenaires dont on est sûr. Enfin, certains termes ont une histoire à eux seuls, ils font partie d'un folklore très apprécié de certains. Il est difficile d'en citer ici sans devoir préciser qu'ils sont surtout utilisés par une collectivité attachée à ses traditions et aimant justement le folklore. Le « spam » est un très bon exemple. Le SPAM (Spiced Pork And Meat, pâté de viande épicé à base de porc et de viandes diverses) sert depuis les années 50 aux Etats-Unis à la fabrication des sandwiches en grande quantité, économique et de mauvaise qualité. Cet acronyme aurait été repris dans un sketch des Monty Python et désigne un article ou un courrier électronique abusif (publicité, escroquerie). Ce type de comportement est extrêmement mal vu (les gens payant pour le téléchargement de ces messages, la publicité coûte donc de l'argent au client potentiel).
 
 

  1. Néologismes ne s'imposant pas

Ces néologismes entrent en fait dans plusieurs des catégories déjà citées (traduction calque, faux-amis). Le terme français suggéré est souvent en concurrence avec d'autres termes et est moins succinct que le terme anglais. Il peut être aussi peu explicite car rien dans le terme même n'indique que le terme doive être compris dans son sens lié à Internet, et non dans son sens habituel (ex : « survol » pour « browsing »).
 
accès commuté dialup
agent mandataire proxy
amorcer boot
bataille, fusillade flame-war
bloc-notes note-book computer
butineur browser
canal de bavardage channel IRC
causette, bavardage chat
coupe-feu, pare-feu, garde-barrière, bastion firewall
fil de discussion thread
furetage, butinage browsing
identifiant login
logiciel contributif  shareware
logiciel de courrier, logiciel de messagerie mailer
ludiciel (logiciel de jeu)  game software
maître de post postmaster
manche à balai  joystick
mémoire morte ROM
mémoire vive RAM
mise à jour update
mise à niveau upgrade
numériseur à balayage(scanneur) scanner
partage de temps time-sharing
pivot  hub
pointeur, marqueur anchor, link
réamorcer reboot
règles de conduite (nétiquette) Netiquette
réseautique networking
Résinter(canadien) Internet
résumé abstract
renvoyer, réexpédier to forward
signet bookmark
sympostage, crucipublication, polyédition (aucun terme ne s'impose à part crosspost) crosspost (envoyer un message sur plusieurs forums)
survol browsing

 

  1. Les Emprunts

  1. Emprunts francisés


  2. Certains termes sont assez curieusement francisés (adaptés graphiquement et phonétiquement). Toutefois, leur emploi ne fait pas toujours l'unanimité quand la sonorité est peu agréable à l'oreille pour certains (« bogue »). On peut par contre souvent bâtir d'autres mots en jouant sur les préfixes (le préfixe -eur équivalent au -er anglais s'y prête bien, il permet d'avoir un verbe en -er, un nom en -eur, un adjectif en -é). Certains emprunts étaient d'ailleurs utilisés en français dans un contexte non lié à Internet.
      maileur
    bogue bug
    booter boot (amorcer)
    cédérom CD-ROM
    cliquer click
    datagramme datagram
    déboguer debug
    emailler mail
    FAQ : foire aux questions Frequently Asked Questions (questions fréquemment posées).
    flamer, flammeur flame, flammer
    forwarder forward
    lister, listage (plus court que dresser la liste). listing
    se logguer, se délogguer to log in, log out (se connecter, se déconnecter).
    mailer
    noumestre, newsmestre (bourgmestre, vaguemestre) newsmaster
    ouèbe Web
    quoter, quotation quote
    routage routing
    routeur router
    scanneur scanner
    spoule spool
    surfer surf
    surfeur, Websurfeur, Netsurfeur surfer
    upgrader upgrade
    webmestre (proche de bourgmestre, vaguemestre) Webmaster

    Certains termes francisés comme « appliquette » (applet) ne s'imposent pas. Pourquoi ? Ils sont apparemment vus par les internautes comme des propositions inadaptées de l'Académie Française, symboles d'une autorité que l'homme de rue pourrait brocarder.
     
     

  3. Les emprunts directs

D'autres emprunts sont repris tels quels, la graphie restant identique et la prononciation devant se faire à l'anglaise. En général, la prononciation de ces termes n'est pas difficile; ce qui facilite l'emprunt direct. Un nom comme « forward » peut être francisé pour donner le verbe « forwarder ». Le terme « transférer » n'est guère employé, même si certains logiciels l'utilisent. Par exemple, on a : « Internet », « Web », « hacker », « plug-in », « tutorial » ou bien « warez » (site de logiciels piratés).

Utiliser de tels termes est évidemment facile à faire et permet d'être facilement compris. De manière générale, un terme anglais (francisé ou non par la suite) se sera répandu car les logiciels en version anglaise l'utilisent : en effet l'Internet, quand il s'est ouvert au grand public, a vu une prolifération de logiciels sortant très rapidement (un nouveau Netscape Navigator sortait tous les six mois) ; la version française du logiciel sortant plus tard, les utilisateurs avaient déjà commencé à utiliser la version anglaise et avaient découvert ses nouveaux concepts à travers ce logiciel ; il était donc plus aisé de s'y repérer en gardant le terme anglais. De plus, certains logiciels (commerciaux ou non) sont traduits non par leurs créateurs, mais par des volontaires : le logiciel de courrier Eudora par exemple n'est traduit que pour sa version sur Macintosh, par un bénévole, mais celle pour MS Windows n'a pas trouvé de volontaire à ce jour.

Notons également, à titre anecdotique, que la paronymie (quasi-identité de deux formes ayant un sens différent) entre « hacker » et « cracker » suscite des confusions tant en anglais qu'en français. Le premier désigne d'abord un passionné compétent techniquement puis, par restriction, un passionné d'informatique extrêmement compétent et respecté de ses pairs. Il ne faut pas confondre avec le second désignant une personne qui utilise ses compétences pour pirater les systèmes informatiques. La confusion s'est tellement faite que « hacker » veut désormais dire « pirate », au grand dam de ceux qui se considéraient comme tels.

On remarque aussi une perte du sens précis dans certains cas. L'exemple le plus frappant est la confusion entre « Internet » et « Web ». Rappelons d'abord que l'Internet désigne l'interconnexion des réseaux ; le Web est un des services proposés par l'Internet qui consiste à afficher des documents hypertextes comprenant éventuellement sons, images ou applications. Pourquoi donc y a-t-il confusion ? Les nouveaux arrivants ne sont pas des spécialistes des techniques qu'ils manipulent, contrairement aux pionniers. De plus, les logiciels (à l'instar des produits de Netscape) ont tendance à intégrer dans un même logiciel tous les services du réseau (le courrier, les forums, le transfert de fichiers).
 
 

  1. Les noms de marques ou de produits

Les noms de marques, de produits ou de standards sont extrêmement nombreux. Beaucoup sont des acronymes. Certains apparaissent car ils sont des termes techniques et des standards reconnus (ils sont explicités dans le glossaire).

D'autres sont des noms de marques commerciales. En cela, ils reproduisent le modèle de « frigidaire », nom de marque passé dans le langage familier. Les exemples les plus connus sont certainement les marques « Netscape » et « Navigator » qui sont devenues synonymes de « browser ». D'autres exemples visent à renouveler un terme ancien passant mal. Ainsi, « Network PC » ou « NetPC » ne sont qu'un rhabillage du terme « terminal », peu agréable à l'oreille et qui rappelle aux habitués tous les désagréments causés par ces machines, réputées lentes et vieillottes (le modèle classique des années 1970 consiste à avoir un serveur très coûteux et des dizaines de terminaux ; les années 1980 ont vu apparaître les ordinateurs personnels, sur lequel l'utilisateur est moins tributaire des autres et du réseau).

Il est particulièrement difficile d'imposer un terme générique pour remplacer ses termes plus familiers aux initiés : ainsi remplacer ADSL par » accès à haut débit » donne un terme moins concis, moins précis, mais plus accessible aux non-spécialistes. Un terme générique pour les logiciels concurrents comme Netscape Navigator, MS Internet Explorer, Opera, Mosaic ne s'impose pas (pensons à « butineur » ou à « browser »).
 
 

  1. Les sigles

  1. Les smileys


  2. Les principaux sigles utilisés seront les « smileys » (nous utilisons le terme anglais, sans doute le plus familier, les autres termes étant « souriards », « trombines », « emoticons », » émoticônes »). Ce terme a d'ailleurs subi une sorte de démotivation (perte du lien entre le sens et la forme), car un smiley était originellement un petit sourire, un signe exprimant le sourire ; par la suite, il s'est étendu à plus que le sourire, et peut par exemple exprimer d'autres sentiments (la tristesse par exemple). Vous avez sans doute dû croiser les symboles :-) ou bien ;-) Les trombines sont souvent compréhensibles si l'on penche la tête vers la gauche : on voit alors un visage en train de sourire. Elles servent communément à exprimer une intention de l'auteur qui semblerait évidente à l'oral, mais qui risquerait d'être mal interprétée à l'écrit. Elles permettent de retranscrire l'état d'esprit du moment.

    Les trombines horizontales sont supposées évoquer les masques du théâtre japonais. Quelques trombines horizontales :

    (^o^) Exprime la joie de vivre

    (_o_) Désolé.

    (;_;) L'auteur est en pleurs.
     
     

  3. Les acronymes

Les utilisateurs du courrier électronique, des forums de discussion ou d'IRC ont tendance à créer leurs propres acronymes pour exprimer rapidement ce qu'ils veulent dire. Cela a deux objectifs, comme le précise d'ailleurs un texte de référence [25] : -exprimer de façon succincte et précise des idées ou des concepts propres à la communauté,

-établir plus ou moins consciemment une barrière entre « ceux qui savent » et « ceux qui ne savent pas ».

Quelques exemples :
 
FAQ Frequently Asked Questions (Questions Fréquemment Posées), ou bien Foire Aux Questions.
FYI  For your information
AMHA à mon humble avis
IMHO  in my humble opinion
YMMV Your mileage may vary (littéralement : votre kilométrage peut varier. Sens : il faudra peut-être ajuster quelques bricoles avant que cela marche)
AKA Also known as (alias, aussi connu en tant que)
RTFM Read The Fine Manual. En français : Reporte Toi au Fichu Manuel !

 

A l'extrême, certaines personnes utilisent des raccourcis saisissants, hérités parfois du Minitel: ainsi l'on écrira « c » en lieu et place de « c'est ». Ces formes ne font pas l'unanimité.
 
 

    1. Les modifications de la structure de la langue

    On peut identifier certaines grandes tendances dans l'apparition de nouveaux mots concernant Internet. On constate d'abord la disparition des prépositions et la multiplication des substantifs épithètes (exemple : « site web »). D'autre part, les noms de standards et de produits prolifèrent, au dépend des termes génériques (les exemples les plus fameux étant « Internet » et « web »). Cela est souvent dû à la volonté d'être concis et précis (si possible autant qu'en anglais), deux objectifs qui ne peuvent être facilement atteints avec des périphrases ou des termes génériques. On recense un grand nombre de termes nouveaux dûs à des effets de mode et peu seront appelés à durer et à être largement diffusés. Certains des lexiques cités dans la bibliographie regroupent des milliers de termes et pourtant l'Académie Française et le grand public n'en retiendront qu'une trentaine.

    L'anglais joue un rôle indéniable et parfois surprenant dans cette genèse linguistique. Les modifications les moins visibles et les plus profondes ne sont sans doute pas les mots introduits, mais les changements de grammaire et de syntaxe. On peut aussi constater que les informaticiens et les universitaires ont joué jusqu'ici un rôle prépondérant, du fait de leur investissement initial. Les nouveaux arrivants, issus du grand public, auront certainement plus tendance à franciser et à utiliser des termes moins précis. L'évolution de la langue touche aussi certains usages comme les formes de politesse et les barrières hiérarchiques qui sont gommées sur Internet. L'auteur dont vous aimez les livres sera directement accessible par un message privé ; une même personne aurait écrit à un inconnu, à un supérieur ou inférieur hiérarchique une lettre stylée, mais écrira un courrier électronique sans aucune de ces conventions et formes de politesse.


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